vendredi 24 décembre 2010

Noël au chaud

Le mois de décembre est étouffant à Copa Cabana Beach Bay. Ici, je profite de la chaleur brûlante de l’été de l’hémisphère sud. Paresseusement allongé sur mon transat, j’émerge d’une sieste interminable en plein soleil. Combien de temps ai-je dormi ? Impossible à dire, parce que le soleil a fait perler une épaisse condensation sur le cadran de ma Festina de fabrication asiatique, pourtant présentée comme étanche. A  en juger la position de l’astre, il doit être 15 heures. Je me serais donc assoupi trois bonnes heures. Sur mon torse extrêmement bronzé ruissellent des torrents de transpiration qui dévalent le long des sillons de mes abdominaux saillants, avant de s’échouer sur la cordelette de mon short en coton équitable.

Lorsque je lève les yeux, malgré les reflets aveuglants qui inondent la surface de l’eau, je devine derrière mes Ray Ban la silhouette sculpturale de Felindra. Nue comme un ver, elle sort délicatement de la piscine et se dirige vers le bar à cocktails, magistral ouvrage réalisé dans une essence de bambou local qui dégage un parfum boisé un peu trop pénétrant. Les seins pleins et gonflés de vie de la créature dansent la lambada au rythme de ses pas sur son torse cuivré et luisant. Les traces humides laissées sur les planches de la terrasse en teck s’évaporent aussitôt que ses pieds quittent le sol. Ce soleil frappe tellement fort que même l’ombre de son corps parfait dégouline de sueur. Lorsqu’elle se faufile à ma hauteur et croise mon regard, je détecte dans ses yeux tout le respect et la reconnaissance de celle qui peine encore à se remettre d’une nuit au cours de laquelle elle a exploré des territoires inconnus que ses cours d’anatomie avaient passés sous silence. Coquine. Et toujours ces effluves boisés de plus en plus présents.

Lorsque Felindra revient du bar, je m’extirpe difficilement du transat. La peau du dos, striée de marques rouges, fait un bruit de velcro quand elle se décolle du dossier en PVC blanc. Elle me tend un seau en inox Laurent Perrier, duquel elle sort un glaçon qu’elle promène le long de mes lèvres sèches pour m’humecter la bouche. Les souvenirs de la nuit précédente se précisent. Elle me présente ensuite un mojito servi dans un verre grand comme un lavabo, garni d’un petit parasol en papier et accompagne son geste de quelques charabias incompréhensibles, sans doute du Mandarin, prononcés avec un fort accent marseillais. « Mouyamé » que je me surprends à lui répondre. « Mouyamé, ma chérie. » Lorsque je goûte le breuvage pour me rafraîchir, je lui trouve un goût de pastis. Je repose les fesses sur la chaise longue, non sans avoir d’abord caressé les siennes, et m’allonge de nouveau, savourant le repos du guerrier en scrutant le ciel : pas un nuage, pas un centimètre carré d’ombre sur cette terre paradisiaque. Je me sens comme un calippo prisonnier de son plein gré d’un hammam à l'air libre. Je déguste. L’odeur de bois brûlé s’échappant du bar en bambou m’attaque les narines. J’en tombe à la renverse. Le téléphone sonne. "Allo ? Felindra ?" Personne. Le téléphone sonne toujours. Je bouscule le rocking chair, piétine la couverture qui reposait sur mes genoux flétris. Le parlophone. "Allo ? Felindra ? Qui ? Ah bonjour maman. Quoi ? Déjà ?" Et merde, ma dinde ! Et toujours cette odeur de brûlé...

Je hais Noël. Noël pas mouyamé.

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