mardi 30 novembre 2010

Thèse, antithèse, foutaises

J'en peux plus. J'ai beau essayer, j'en peux plus. J'en ai ma claque des conversations absurdes dans lesquelles je passe au mieux pour un doux rêveur, au pire pour un imbécile naïf.

J'en ai ras la casquette de m'entendre sortir l'argument de la liberté de choix par des gens trop paresseux pour penser un autre mode de vie, ou trop mous du genou pour oser en changer.

Je vais pas retaper ici la litanie d'arguments écologiques, économiques, sociaux, sanitaires et j'en passe qui montrent que ce système va dans le mur, s'il n'y est pas déjà. Ça m'énerve aussi, mais aujourd'hui c'est à des personnes hypocrites et à leurs stratégies d'évitement médiocres que j'en ai.

Discutez ne fut-ce qu'une minute de la nécessité de repenser la mobilité et remettre en question le tout à la bagnole, vous aurez droit à un festival de sophismes idiots, de cache-sexes rhétoriques destinés à masquer le refus atavique de menacer, même un tout petit peu, son confort personnel, fut-ce améliorer le sort de l'Humanité ou simplement préserver l'avenir ses propres enfants. Quand je vois la bassesse à laquelle mes concitoyens sont prêts à recourir pour préserver leur droit de bouffer des fraises toute l'année, franchement, ça me fait gerber.

L'avatar le plus minable de cette rhétorique de caniveau, c'est l'argument politique. Rien que de l'écrire j'ai envie de coller des beignes. Les mêmes personnes qui lisent la DH en crachant sur la caste politique, au cri de "tous pourris", soutiennent sans rougir que pour que les habitudes (alimentation, bagnoles, avion, j'en passe) changent, il faut que l'exemple vienne "d'en haut". Et "en haut" c'est qui? En haut c'est tous pourris.

A peine moins pire, l'argument du puriste: si tu n'as pas une alternative irréprochable à offrir, pas la peine d'espérer convaincre ton auditoire. En gros, si t'es pas Jésus, c'est déjà perdu. Et donc, après avoir expliqué de façon rationnelle, parfois même chiffres à l'appui, que l'agriculture industrielle c'est une saloperie sans nom, on te répondra sans rougir que oui mais dans le bio, y'a aussi des additifs qui sont autorisés et que de toute façon, la filière est pas fiable et y'a des magouilles et bla et bla et bla. Donc puisque certains additifs sont autorisés en bio, le bio et le MacDo, c'est kif. Pareil pour la certification: puisque l'attribution du label peut parfois être mise en cause, les producteurs bio ne valent finalement pas mieux que Carrefour qui réassortit ses rayons avec de la bidoche faisandée.

Troisième tactique: décrédibiliser les alternatives par la caricature, avec le désormais culte "le bio, c'est vouloir s'éclairer à la bougie et se chauffer au charbon". Très courant chez ceux qui n'ont pas peur de clore la discussion en restant fâchés. Typique d'un besoin de réduire les questions de société à une opposition manichéenne, mais surtout retraite confortable pour les esprits paresseux qui peuvent dès lors entendre tous les maux engendrés par notre modèle de société - déforestation, changements climatiques, je refais pas la liste - sans se faire de mouron, vu que de toutes façons, c'est ça ou "s'éclairer à la bougie".

Bref, il faut que les politiques, qui sont tous pourris, montrent l'exemple et mettent en place des alternatives irréprochables, vierges de tout soupçon de corruption, tout prenant garde de ne rien changer à nos habitudes, parce que bon, pas question de s'éclairer à la bougie hein. Et pendant ce temps-là les réserves d'eau s'épuisent, les terres cultivables s'appauvrissent et les téléphones portables sont devenus l'étalon de mesure du progrès.


Ce qui me dégoûte le plus dans tout ça, c'est que ceux qui ne veulent rien entendre, même quand on évoque que leurs enfants -et souvent ils en ont - auront à payer le prix de leurs refus, sont les mêmes qui vont faire le pied de grue devant les écoles élitistes et se battent contre le décret mixité.
Au nom de l'avenir de leurs mômes.