vendredi 24 décembre 2010

Joyeux bordel

D'ici deux mois, je râlerai sans doute comme le reste de mes concitoyens, mais pour l'instant, j'aime bien la neige. Pas seulement pour la beauté douceâtre des paysages immaculés, qui évoque des odeurs de chocolat chaud et de cougnou, et permet au premier fonctionnaire venu de philosopher à moindres frais. Non. En fait, j'aime surtout la neige pour cette façon tranquille, poétique et implacable qu'elle a de foutre le bordel partout.

J'aime bien la neige, parce qu'elle n'épargne personne: un bordel à ce point intégral, il est tellement égalitaire qu'il en devient presque politique.

Quand toutes les routes sont bloquées ou verglassées, le gros manager vient au boulot en train, comme la petite stagiaire, et dans le train, il se bat pour un coin de banquette, comme tout le monde. Et s'il décide de sortir quand même la X5, bizarrement, il laisse traverser les piétons, respecte la priorité de droite et roule aussi lentement que la vieille Twingo derrière lui.

L'entreprise, elle, lutte à la fois contre une attaque terroriste et une grève générale: d'un côté, c'est plans d'urgence dans tous les sens pour assurer l'approvisionnement (quel qu'il soit) et faire tourner la boîte avec moitié moins de personnel, de l'autre, communications en tous genres pour convaincre les travailleurs que 30 cm de neige et 4 heures de bouchons, c'est pas une raison valable de pas venir au turbin.

Et malgré tout: les camions sont bloqués, y'a plus rien à acheter, les gens préfèrent rester chez eux. Résultat, la consommation baisse en pleine période de Noël.

J'aime bien la neige parce qu'elle réalise les cauchemars de ce monde de merde, sans fournir personne sur qui cogner à la police.

Tout tourne au ralenti, les avions sont cloués au sol, les bagnoles restent au garage, sans parler des trains et des camions. Les gens bossent moins (ou moins de gens bossent), et achètent moins. Ils passent du temps chez eux, et en plus les paysages sont jolis.


Finalement, la neige, c'est la nature qui fait de la désobéissance civile. C'est le monde qui se réenchante tout seul.

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