lundi 14 février 2011

Marie-Rose Morel, la priorité de cette Flandre-là

La Flandre a donc enterré en grandes pompes Marie-Rose Morel, ex-miss, ex-femme, ex-mère et accessoirement, ex-membre du Vlaams Belang, parti condamné par la justice pour son discours ouvertement raciste et xénophobe. Bart De Wever, l'homme politique le plus populaire du pays, fort de 780.000 voix de préférence, était présent aux obsèques, les yeux inondés de larmes d'une touchante sincérité. Il y a même prononcé un discours de plus de 10 minutes.

L'hommage, s'il laisse pantois au sud du pays, ne restera pas lettre morte au nord. Comment immortaliser la belle fasciste ? Faut-il lui remettre une médaille posthume pour services rendus à la nation (flamande) ? Doit-on prêter son nom à une rue, une place, une salle des fêtes ? Serait-il raisonnable de la canoniser ? Aura-t-elle droit à une stèle à Dixmude, auprès du symbole de la lutte nationaliste (flamande) ?

Encore sous le choc, débordée par ses émotions, cette Flandre-là peine à offrir à sa nouvelle égérie le cadeau d'adieu qu'elle mérite. Heureusement, solidarité fédérale oblige, je me sens l'âme à prêter mes talents créatifs à mes plus proches voisins. Mes chers amis, ne vous emmerdez pas à dédier à Marie-Rose Morel une vulgaire plaque de rue. Allez au bout de vos idées. La régionalisation de la sécurité routière a toujours été l'une de vos revendications les plus... heu... originales. Poussez donc la réflexion un peu plus loin (à droite) et régionalisez carrément le code de la route. La voie vous sera alors toute tracée pour offrir à votre Mère Teresa locale l'éloge éternel. Assumez une bonne fois pour toutes en lui consacrant une initiative digne de son combat politique : soyez les premiers à appliquer sur vos routes le principe de la priorité d'extrême-droite.

Le concept peut paraître un peu complexe au premier abord. Mais avec un minimum de pratique et la persévérance qui vous est propre, vous devriez pouvoir vous adapter sans trop de problème. La priorité d'extrême-droite, finalement, c'est assez logique. Avec cet aménagement du code de la route régional, chaque carrefour retrouvera pleinement son caractère profondément flamand. Désormais, lorsque plusieurs véhicules se rencontreront à un croisement, ce sera toujours l'usager provenant de la droite qui aura la priorité. La nouveauté, avec la priorité d'extrême-droite, c'est que le véhicule prioritaire sera dorénavant celui qui se trouve en dernière position dans la file qui vient de votre droite. Au croisement, la dernière voiture aura donc le droit de dépasser toutes les autres afin de prendre sa priorité. Une légère période d'adaptation sera peut-être nécessaire. Mais au moins, vous pouvez être certains qu'à chaque fois qu'un de vos compatriotes se retrouvera à un croisement, il aura une pensée émue pour la martyre de la cause flamingante trop tôt disparue.

Et comme je fais rarement les choses à moitié, je vous ai même déjà dessiné votre nouveau panneau de signalisation. Alors, merci qui ?


4 commentaires:

  1. Ce qui est choquant, et que les éditorialistes flamands ont apparemment du mal à comprendre, c'est que pour nous, francophones, la médiatisation de sa lutte contre la maladie passe avant tout pour une opération d'humanisation d'un parti d'extrême-droite. Ce qui est choquant, c'est que toute cette histoire banalise une fois de plus au nord du pays des thèses racistes et xénophobes. Ce qui est choquant, c'est qu'en ramenant cette femme à sa simple condition de femme (pourquoi elle ? il y en a tant d'autres), la presse flamande renforce de nouveau l'idée que l'extrême-droite est fréquentable. Banaliser les idées d'une fasciste assumée, toute courageuse soit-elle face à la maladie, c'est confirmer ce qu'on soupçonnait déjà avec les projets de loi flamands d'amnistie des collaborateurs de guerre. Au sud du pays, si Audrey Rorive, l'épouse de Daniel Feret et elle aussi membre du Front National, devait souffrir d'un cancer, elle aurait droit exactement au même traitement médiatique que toutes les femmes atteintes du même mal : aucun.

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  2. C'est un stratagème rhétorique du même ordre que ce que Marine Le Pen fait en France quand elle fait appel aux "valeurs républicaines" (en particulier la laïcité) pour stigmatiser la population d'origine arabe. Ici c'est juste l'inverse: on justifie l'éloge d'une politicienne d'extrême-droite en s'abritant derrière des valeurs humaines universelles (son courage face à la maladie). Apparemment, plus la ficelle est grosse, plus ça marche, vu que la RTBF a dû présenter des excuses pour avoir simplement énoncé cet état de fait.

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  3. ça me rappelle une histoire que m'avait un jour racontée un ami qui, travaillant au service des ressources humaines d'une boîte en pleine restructuration, avait dû convoquer l'un de ses collègues pour discuter de ses indemnités de départ après lui avoir signalé son futur licenciement. Le malheureux licencié s'était présenté au rendez-vous accompagné de sa femme... atteinte d'un cancer en phase terminale, espérant ainsi obtenir un zéro de plus sur son chèque.
    Dans les deux cas, on tombe dans l'instrumentalisation d'une maladie, dans le détournement d'une tragédie à des fins tout autres. On ne me fera jamais croire que l'opération Marie-Rose Morel n'était pas orchestrée pour blanchir la façade du nationalisme flamand le plus radical. Du côté francophone, on n'imaginerait jamais Michel Delacroix tenir une chronique dans le journal pour expliquer la dure réalité des aveugles. Pas parce qu'on s'en fout des aveugles, mais juste parce que chez nous, on ne sert pas la soupe aux fachos. Et quand bien même par je ne sais quel retournement de l'histoire, celui-ci devait incarner le combat des malvoyants en Belgique, jamais, jamais, jamais, il ne rassemblerait 2.000 personnes et tout le gratin politique wallon à ses obsèques.

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  4. Ceci n'est pas ... etc.

    Marie-Rose Morel n'était pas une pouffe alcoolique qui suçaient dans la réserve d'un bistrot de Charleroi aux réunion de la locale FN.

    En Flandre le national-populisme c'est un peu chic, c'est discrètement bonne, c'est vraiment blonde, c'est miss de sa ville.

    Ce n'est pas une chômeuse un peu pute et très vulgaire qu'on enterre entre copains de cihrose, c'est la femme modèle, une sainte martyr du cancer qu'on pleure à la télé et dans les journaux.

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